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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

tous les esprits supérieurs. L’on concevra facilement l’enthousiasme dont on étoit saisi à l’aspect de tant d’individus appartenant à diverses classes, et venant, les uns offrir leurs sacrifices, les autres prendre possession de leurs droits. Néanmoins on pressentoit l’arrogance du pouvoir, dans ces souverains d’un nouveau genre, qui se disoient les dépositaires d’une autorité sans limites, celle du peuple. Les Anglais s’étoient créé lentement une organisation politique nouvelle ; les François, la voyant solidement établie ailleurs depuis plus de cent ans, devoient s’en tenir à l’imiter.

Mounier, Lally, Malouet, Clermont-Tonnerre, se montrèrent les appuis de la prérogative royale, dès que la révolution eut désarmé les partisans de l’ancien régime. Non-seulement la réflexion, mais un mouvement involontaire, attache aux puissans tombés dans le malheur, surtout quand d’augustes souvenirs les environnent. Cette disposition généreuse auroit été celle des François, si le besoin d’être applaudi ne l’emportoit pas chez eux sur toute autre impulsion ; et l’esprit du temps inspiroit des maximes démagogiques à ces mêmes gens qui devoient faire ensuite l’apologie du despotisme. Un homme d’esprit disoit jadis : « Quel que