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Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/280

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CONSIDÉRATIONS

soit le ministre des finances qui doive être nommé, je suis d’avance son ami, et même un peu son parent. » Il faudrait, au contraire, en France, être toujours l’ami du parti battu, quel qu’il soit ; car la puissance déprave les François plus que les autres hommes. L’habitude de vivre à la cour, ou de désirer d’y arriver, a formé les esprits à la vanité ; et dans un gouvernement arbitraire, on n’a pas l’idée d’une autre doctrine que celle du succès. Ce sont les défauts acquis et développés par la servilité qui ont été la cause des excès de la licence.

Chaque ville, chaque village envoyoit des félicitations à l’assemblée constituante, et celui qui avoit rédigé l’une de ces quarante mille adresses se croyoit un émule de Montesquieu.

La foule des spectateurs qu’on admettoit dans les galeries animoit les orateurs tellement, que chacun vouloit obtenir pour son compte ce bruit des applaudissemens, dont la jouissance nouvelle séduisoit les amours-propres. En Angleterre, il est interdit de lire un discours ; il faut l’improviser ; ainsi le nombre des personnes capables de parler est nécessairement très-réduit : mais lorsqu’on permet de lire ce qu’on a écrit soi-même, ou ce que les autres ont écrit pour nous, les hommes supérieurs