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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

Mounier, ami prononcé de la constitution anglaise, se rendoit volontiers impopulaire, en professant cette opinion ; mais il déclara pourtant à la tribune que les lois constitutionnelles n’avoient pas besoin de la sanction du roi, partant du principe que la constitution étoit antérieure au trône, et que le roi n’existoit que de par elle. Il doit y avoir un pacte entre les rois et les peuples, et il seroit aussi contraire à la liberté qu’à la monarchie de nier l’existence de ce contrat. Mais, comme une sorte de fiction est nécessaire à la royauté, l’assemblée avoit tort d’appeler le monarque un fonctionnaire public ; il est un des pouvoirs indépendans de l’État, participant à la sanction des lois fondamentales, comme à celle de la législation journalière ; s’il n’étoit qu’un simple citoyen, il ne pourroit être roi.

Il y a dans une nation une certaine masse de sentimens qu’il faut ménager comme une force physique. La république a son enthousiasme, que Montesquieu appelle son principe ; la monarchie a le sien ; le despotisme même, quand il est, comme en Asie, un dogme religieux, est maintenu par de certaines vertus ; mais une constitution qui fait entrer dans ses