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CONSIDÉRATIONS

Dans la seule révolution à nous connue, qui ait eu pour principal but l’établissement d’un gouvernement représentatif, on a changé l’ordre de succession au trône, parce qu’on étoit convaincu que Jacques II ne renonceroit pas de bonne foi au pouvoir absolu, pour l’échanger contre un pouvoir légal. L’assemblée constituante ne se permit pas de déposer un souverain aussi vertueux que Louis XVI, et cependant elle vouloit établir une constitution libre ; il est résulté de cette situation qu’elle a considéré le pouvoir exécutif comme un ennemi de la liberté, au lieu d’en faire l’une de ses sauvegardes. Elle a combiné une constitution, comme on combineroit un plan d’attaque. Tout est venu de cette faute ; car que le roi fût, ou non, résigné dans son cœur aux limites que commandoit l’intérêt de la nation, il ne falloit pas examiner ses pensées secrètes, mais fonder le pouvoir royal indépendamment de ce qu’on pouvoit craindre ou espérer du monarque. Les institutions, à la longue, disposent des hommes beaucoup plus facilement que les hommes ne s’affranchissent des institutions. Conserver le roi et le dépouiller de ses prérogatives nécessaires, étoit le parti le plus absurde et le plus condamnable de tous.