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Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/392

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ce même autel pour y jurer fidélité à la nation, à la loi et au roi ; et le serment et l’homme qui le prononçoit excitèrent un grand sentiment de confiance. Les spectateurs étoient dans l’ivresse ; le roi et la liberté leur paroissoient alors complètement réunis. La monarchie limitée a toujours été le véritable vœu de la France ; et le dernier mouvement d’un enthousiasme vraiment national s’est fait voir à cette fédération de 1790.

Toutefois, les personnes capables de réflexion étoient loin de se livrer à la joie générale. Je voyais dans la physionomie de mon père une profonde inquiétude ; dans le moment où l’on croyoit fêter un triomphe, peut-être sentait-il qu’il n’y avoit déjà plus de ressources. M. Necker ayant sacrifié sa popularité tout entière à la défense des principes d’une monarchie libre et limitée, M. de la Fayette devoit être dans ce jour le premier objet de l’affection du peuple ; il inspiroit à la garde nationale un dévouement très-exalté ; mais, quelle que fût son opinion politique, s’il avoit voulu s’opposer à l’esprit du temps, son pouvoir eut été brisé. Les idées régnoient à cette époque, et non les individus. La terrible volonté de Bonaparte lui-même n’auroit pu rien contre la direction