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Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/403

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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

par l’opinion publique, et méritoient de l’être plus que jamais. Mais, ce qui doit inspirer un profond intérêt à quiconque a conçu la situation de M. Necker, c’est de voir un homme, du plus beau génie et du plus beau caractère, placé entre des partis tellement opposés et des devoirs si différents, que le sacrifice entier de lui-même, de sa réputation et de son bonheur, ne pouvoit rapprocher ni les préjugés des principes, ni les opinions des intérêts.

Si Louis XVI s’en fut remis véritablement aux conseils de M. Necker, il eût été du devoir de ce ministre de ne pas demander sa démission. Mais les partisans de l’ancien régime conseilloient alors au roi, comme ils le feroient peut-être encore aujourd’hui, de ne jamais suivre les avis d’un homme qui avoit aimé la liberté ; c’est à leurs yeux le crime irrémissible. D’ailleurs M. Necker s’aperçut que le roi, mécontent de la part qu’on lui faisoit dans la constitution, lassé de la conduite de l’assemblée, avoit résolu de se soustraire à une telle situation. S’il se fût adressé à M. Necker, pour concerter avec lui son départ, sans doute son ministre auroit cru devoir le seconder de toutes ses forces, tant la position du monarque lui paroissoit cruelle et dangereuse. Et cependant il étoit