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CONSIDÉRATIONS

fort contraire au penchant naturel d’un homme appelé par le vœu national, de passer sur le territoire étranger ; mais le roi et la reine ne lui parlant pas de leurs projets à cet égard, devait-il provoquer la confidence ? Les choses en étoient venues à cet excès, qu’il falloit être factieux ou contre-révolutionnaire pour avoir de l’influence, et ni l’un ni l’autre de ces rôles ne pouvoit convenir à M. Necker.

Il prit donc la résolution de se retirer, et sans doute, à cette époque, il le devait ; mais, constamment guidé par le désir de porter le dévouement à la chose publique aussi loin qu’il étoit possible, il laissa deux millions de sa fortune en dépôt au trésor royal, précisément parce qu’il avoit prédit que le papier-monnaie avec lequel on payeroit les rentes seroit dans peu sans valeur. Il ne vouloit pas nuire, comme particulier, à l’opération qu’il blâmoit comme ministre. Si M. Necker eût été très-riche, cette façon d’abandonner sa fortune auroit encore été fort remarquable ; mais, comme ces deux millions formoient plus de la moitié d’une fortune diminuée par sept années de ministère sans appointements, on s’étonnera peut-être qu’un homme qui avoit acquis son bien par