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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

mais la capitale, à cette époque, ne présentoit aucune séduction de société, et la cour encore moins ; plusieurs hommes d’un rare talent et d’une grande âme, d’Ossat, Mornai, Sully, s’étoient développés avec Henri IV ; mais après lui l’on ne vit bientôt plus aucun de ces grands chevaliers, dont les noms sont encore comme les traditions héroïques de l’histoire de France. Le despotisme du cardinal de Richelieu détruisit en entier l’originalité du caractère françois, sa loyauté, sa candeur, son indépendance. On a beaucoup vanté le talent du prêtre ministre, parce qu’il a maintenu la grandeur politique de la France, et sous ce rapport on ne sauroit lui refuser des talens supérieurs ; mais Henri IV atteignoit au même but, en gouvernant par des principes de justice et de vérité. Le génie se manifeste non-seulement dans le triomphe qu’on remporte, mais dans les moyens qu’on a pris pour l’obtenir. La dégradation morale, empreinte sur une nation qu’on accoutume au crime, tôt ou tard doit lui nuire plus que les succès ne l’ont servie.

Le cardinal de Richelieu fit brûler comme sorcier un pauvre innocent curé, Urbain Grandier, se prêtant ainsi bassement et perfidement aux superstitions qu’il ne partageoit