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Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/44

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CONSIDÉRATIONS

pas. Il fit enfermer dans sa propre maison de campagne, à Ruelle, le maréchal de Marillac qu’il haïssoit, pour le faire condamner à mort plus sûrement sous ses yeux. M. de Thou porta sa tête sur un échafaud, pour n’avoir pas dénoncé son ami. Aucun délit politique ne fut jugé légalement sous le ministère du cardinal de Richelieu, et des commissions extraordinaires furent toujours nommées pour prononcer sur le sort des victimes. Cependant, de nos jours encore, on a pu vanter un tel homme ! Il est mort à la vérité dans la plénitude de sa puissance : précaution bien nécessaire aux tyrans qui veulent conserver un grand nom dans l’histoire. On peut, à quelques égards, considérer le cardinal de Richelieu comme un étranger en France ; sa qualité de prêtre, et de prêtre élevé en Italie, le sépare du véritable caractère françois. Son grand pouvoir n’en est que plus facile à expliquer, car l’histoire fournit plusieurs exemples d’étrangers qui ont dominé les François. Les individus de cette nation sont trop vifs pour s’astreindre à la persévérance qu’il faut pour être despote ; mais celui qui a cette persévérance est très-redoutable dans un pays où, la loi n’ayant jamais régné, l’on ne juge de rien que par l’événement.