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Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/55

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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

pas respecté le christianisme en attaquant la superstition ; mais il ne faut pas oublier les circonstances dans lesquelles Voltaire a vécu : il étoit né sur la fin du siècle de Louis XIV, et les atroces injustices qu’on a fait souffrir aux protestans avoient frappé son imagination dès son enfance.

Les vieilles superstitions du cardinal de Fleury, les ridicules querelles du parlement et de l’archevêque de Paris sur les billets de confession, sur les convulsionnaires, sur les jansénistes et les jésuites ; tous ces détails puérils, qui pouvoient néanmoins coûter du sang, devoient persuader à Voltaire que l’intolérance religieuse étoit encore à redouter en France. Le procès de Calas, ceux de Sirven, du chevalier de La Barre, etc., le confirmèrent dans cette crainte, et les lois civiles contre les protestans étoient encore dans l’état de barbarie où les avoit plongées la révocation de l’édit de Nantes.

Je ne prétends point par-là justifier Voltaire, ni ceux des écrivains de son temps qui ont marché sur ses traces ; mais il faut avouer que les caractères irritables (et tous les hommes à talent le sont) éprouvent presque toujours le besoin d’attaquer le plus fort ; c’est à cela qu’on peut reconnoître l’impulsion naturelle du sang et de la verve.