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CONSIDÉRATIONS

l’atteinte du raisonnement. En effet, elles sont plus en sûreté de cette manière.

La reine de France, Marie-Antoinette, étoit une des personnes les plus aimables et les plus gracieuses qu’on eût vues sur le trône, et rien ne s’opposoit à ce qu’elle conservât l’amour des François, car elle n’avoit rien fait pour le perdre. Le caractère personnel de la reine et du roi étoit donc tout-à-fait digne d’attachement ; mais l’arbitraire du gouvernement françois, tel que les siècles l’avoient fait, s’accordoit si mal avec l’esprit du temps, que les vertus mêmes des princes disparoissoient dans le vaste ensemble des abus dont ils étoient environnés. Quand les peuples sentent le besoin d’une réforme politique, les qualités privées du monarque ne suffisent point pour arrêter la force de cette impulsion. Une fatalité malheureuse plaça le règne de Louis XVI dans une époque où de grands talens et de hautes lumières étoient nécessaires pour lutter avec l’esprit du siècle, ou pour faire, ce qui valoit mieux, un pacte raisonnable avec cet esprit.

Le parti des aristocrates, c’est-à-dire, les privilégiés, sont persuadés qu’un roi d’un caractère plus ferme auroit pu prévenir la révolution. Ils oublient qu’ils ont eux-mêmes com-