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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

qui dure encore entre les nobles et les bourgeois, toutes ont eu également pour origine la difficulté de maintenir la société humaine sans désordre et sans injustice. Les hommes ne pourroient exister aujourd’hui ni séparés, ni réunis, si le respect de la loi ne s’établissoit pas dans les têtes : tous les crimes naîtroient de la société même qui doit les prévenir. Le pouvoir abstrait des gouvernemens représentatifs n’irrite en rien l’orgueil des hommes, et c’est par cette institution que doivent s’éteindre les flambeaux des furies. Ils se sont allumés dans un pays où tout étoit amour-propre ; et l’amour-propre irrité, chez le peuple, ne ressemble point à nos nuances fugitives ; c’est le besoin de donner la mort.

Des massacres, non moins affreux que ceux de la terreur, ont été commis au nom de la religion ; la race humaine s’est épuisée pendant plusieurs siècles en efforts inutiles pour contraindre tous les hommes à la même croyance. Un tel but ne pouvoit être atteint, et l’idée la plus simple, la tolérance, telle que Guillaume Penn l’a professée, a banni pour toujours du nord de l’Amérique le fanatisme dont le Midi a été l’affreux théâtre. Il en est de même du fanatisme politique ; la liberté seule peut le