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CONSIDÉRATIONS

laire, il inspiroit l’épouvante à ceux même qui commandoient en son nom ; car ils craignoient toujours d’être proscrits à leur tour par des hommes qui iroient plus loin qu’eux encore dans l’audace de la persécution. Le seul Marat vivoit sans crainte dans ce temps ; car sa figure étoit si basse, ses sentimens si forcenés, ses opinions si sanguinaires, qu’il étoit sûr que personne ne pouvoit se plonger plus avant que lui dans l’abîme des forfaits. Robespierre ne put atteindre lui-même à cette infernale sécurité.

Les derniers hommes qui, dans ce temps, soient encore dignes d’occuper une place dans l’histoire, ce sont les girondins. Ils éprouvoient sans doute au fond du cœur un vif repentir des moyens qu’ils avoient employés pour renverser le trône ; et quand ces mêmes moyens furent dirigés contre eux, quand ils reconnurent leurs propres armes dans les blessures qu’ils recevoient, ils durent sans doute réfléchir à cette justice rapide des révolutions, qui concentre dans quelques instans les événemens de plusieurs siècles.

Les girondins combattoient chaque jour et chaque heure avec une éloquence intrépide contre des discours aiguisés comme des poignards, et qui renfermoient la mort dans cha-