Page:De Staël – La Révolution française, Tome II.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
163
SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

décrets de recrutement qu’on obtenoit des législateurs, ces décrets avec lesquels on a depuis asservi le continent, portoient déjà des atteintes funestes au respect pour les institutions civiles. On ne peut s’empêcher de regretter qu’à cette époque les puissances encore en guerre avec la France, c’est-à-dire, l’Autriche et l’Angleterre, n’aient pas accédé à la paix. La Prusse, Venise, la Toscane, l’Espagne et la Suède avoient déjà traité en 1795, avec un gouvernement beaucoup moins régulier que celui du directoire ; et peut-être l’esprit d’envahissement qui a fait tant de mal aux peuples du continent comme aux François eux-mêmes, ne se seroit-il pas développé, si la guerre avoit cessé avant les conquêtes du général Bonaparte en Italie. Il étoit encore temps de tourner l’activité françoise vers les intérêts politiques et commerciaux. On n’avoit jusqu’alors considéré la guerre que comme un moyen d’assurer l’indépendance de la nation ; l’armée ne se croyoit destinée qu’à maintenir la révolution ; les militaires n’étoient point un ordre à part dans l’état ; enfin il y avoit encore en France quelque enthousiasme désintéressé, sur lequel on pouvoit fonder le bien public.