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CONSIDÉRATIONS

torité civile avec l’armée. On a beaucoup dit que la liberté, comme elle existe en Angleterre, n’est pas possible pour un état continental, à cause des troupes réglées qui dépendent toujours du chef de l’état. Je répondrai ailleurs à ces craintes sur la durée de la liberté, toujours exprimées par ses ennemis, par ceux même qui ne veulent pas permettre qu’une tentative sincère en soit faite. Mais on ne sauroit trop s’étonner de la manière dont les armées ont été conduites par le directoire, jusqu’au moment où, craignant le retour de l’ancienne royauté, il les a lui-même malheureusement introduites dans les révolutions intérieures de l’état.

Les meilleurs généraux de l’Europe obéissoient à cinq directeurs, dont trois n’étoient que des hommes de loi. L’amour de la patrie et de la liberté étoit encore assez puissant sur les soldats eux-mêmes, pour qu’ils respectassent la loi plus que leur général, si ce général vouloit se mettre au-dessus d’elle. Toutefois la prolongation indéfinie de la guerre a nécessairement mis un grand obstacle à l’établissement d’un gouvernement libre en France ; car, d’une part, l’ambition des conquêtes commençoit à s’emparer de l’armée, et de l’autre, les