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CONSIDÉRATIONS

pandu le bruit qu’il avoit été guidé par les conseils d’un autre à la guerre ; je ne sais ce qui en était, mais cela pouvoit se croire, parce que son regard et son entretien étoient si ternes, qu’ils ne donnoient pas l’idée qu’il fut propre à devenir le chef d’aucune entreprise. Néanmoins son courage et sa persévérance politique ont, depuis, mérité l’intérêt autant que son malheur.

Quelques membres du conseil des anciens, ayant à leur tête l’intrépide et généreux vieillard Dupont de Nemours et le respectable Barbé-Marbois, se rendirent à pied à la salle de leurs séances, ayant à leur tête Laffon-Ladebat, alors président ; et, après avoir constaté que l’entrée du conseil leur étoit interdite par les troupes, ils revinrent de même, passant au milieu des soldats alignés, sans que le peuple qui les regardoit comprît qu’il s’agissoit de ses représentans opprimés par la force armée. La crainte de la contre-révolution avoit malheureusement désorganisé l’esprit public : on ne savoit où saisir la cause de la liberté, entre ceux qui la déshonoroient et ceux qu’on accusoit de la haïr. On condamna les hommes les plus honorables, Barbé-Marbois, Tronçon-Ducoudray, Camille Jordan, etc., à la déportation outre-mer. Des mesures atroces suivirent cette première violation de toute justice.