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CONSIDÉRATIONS

cours qui fut imprimé dans les journaux du temps. Ce discours offre un rapprochement singulier, et que l’histoire doit recueillir. Qu’ont-ils fait, dit-il en parlant des directeurs, de cette France que je leur ai laissée si brillante ? Je leur avois laissé la paix, et j’ai retrouvé la guerre ; je leur avais laissé des victoires, et j’ai retrouvé des revers. Enfin, qu’ont-ils fait de cent mille François que je connoissois tous, mes compagnons d’armes, et qui sont morts maintenant ? Puis, terminant tout à coup sa harangue d’un ton plus calme, il ajouta : Cet état de choses ne peut durer ; il nous mèneroit dans trois ans au despotisme. Bonaparte s’est chargé de hâter l’accomplissement de sa prédiction.

Mais ne seroit-ce pas une grande leçon pour l’espèce humaine, si ces directeurs, hommes très-peu guerriers, se relevoient de leur poussière, et demandoient compte à Napoléon de la barrière du Rhin et des Alpes, conquise par la république ; compte des étrangers arrivés deux fois à Paris ; compte de trois millions de François qui ont péri depuis Cadix jusqu’à Moscou ; compte surtout de cette sympathie que les nations ressentoient pour la cause de la liberté en France, et qui s’est maintenant changée en aversion invétérée. Certes, les directeurs n’en seroient pas