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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

dans le découragement de l’humeur, aperçut très-vite en quoi le système de Sieyes pouvoit lui être utile ; c’étoit parce qu’il anéantissoit très-artistement les élections populaires : Sieyes y substituoit des listes de candidats sur lesquelles le sénat devoit choisir les membres du corps législatif et du tribunal ; car on mettoit, je ne sais pourquoi, trois corps dans cette constitution, et même quatre, si l’on y comprend le conseil d’état, dont Bonaparte s’est si bien servi depuis. Quand le choix des députés n’est pas purement et directement fait par le peuple, il n’y a plus de gouvernement représentatif ; des institutions héréditaires peuvent accompagner celle de l’élection, mais c’est en elle que consiste la liberté. Aussi l’important pour Bonaparte étoit-il de paralyser l’élection populaire, parce qu’il savoit bien qu’elle est inconciliable avec le despotisme.

Dans cette constitution, le tribunat, composé de cent personnes, devoit parler, et le corps législatif, composé de deux cent cinquante, devoit se taire ; mais on ne concevoit pas pourquoi l’on donnoit à l’un cette permission, en imposant à l’autre cette contrainte. Le tribunat et le corps législatif n’étoient point assez nombreux en proportion de la population