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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

monnaie qui ne reçût sa valeur que de l’empreinte du maître. La suite a prouvé que cette monnaie savoit rentrer en circulation avec une autre effigie.

Le jour du concordat, Bonaparte se rendit à l’église de Notre-Dame dans les anciennes voitures du roi, avec les mêmes cochers, les mêmes valets de pied marchant à côté de la portière ; il se fit dire jusque dans le moindre détail toute l’étiquette de la cour ; et, bien que premier consul d’une republique, il s’appliqua tout cet appareil de la royauté. Rien, je l’avoue, ne me fit éprouver un sentiment d’irritation pareil. Je m’étois renfermée dans ma maison pour ne pas voir cet odieux spectacle ; mais j’y entendois les coups de canon qui célébroient la servitude du peuple françois. Car y avoit-il quelque chose de plus honteux que d’avoir renversé les antiques institutions royales, entourées au moins de nobles souvenirs, pour reprendre ces mêmes institutions sous des formes de parvenus et avec les fers du despotisme ? C’étoit ce jour-là qu’on pouvoit adresser aux François ces belles paroles de Milton à ses compatriotes : Nous allons devenir la honte des nations libres, et le jouet de celles qui ne le sont pas ; est-ce là, diront les étrangers, cet édifice de li-