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CONSIDÉRATIONS

moins usage de leur raison, soit comme citoyens, en se mêlant, de retour chez eux, des intérêts publics de leur pays, soit comme militaires, en connoissant et respectant l’empire de la loi dans ce qui les concerne. Jamais un officier anglois n’arrêteroit un individu, ni ne tireroit même sur le peuple en émeute, que d’après les formes voulues par la constitution. Il y a intention de despotisme toutes les fois qu’on veut interdire aux hommes l’usage de la raison que Dieu leur a donnée. Il suffit, dira-t-on, d’obéir à son serment ; mais qu’y a-t-il qui exige plus l’emploi de la raison, que la connoissance des devoirs attachés a ce serment même ? Penseroit-on que celui qu’on avoit prêté à Bonaparte pût obliger aucun officier à enlever le duc d’Enghien sur la terre étrangère qui devoit lui servir d’asile ? Toutes les fois qu’on établit des maximes antilibérales, c’est pour s’en servir comme d’une batterie contre ses adversaires, mais à condition que ces adversaires ne les retournent pas contre nous. Il n’y a que les lumières et la justice dont on n’ait rien à craindre dans aucun parti. Qu’arrive-t-il enfin de cette maxime emphatique : L’armée ne doit pas juger, mais obéir ? C’est que l’armée, dans les troubles civils, dispose toujours du sort des empires ;