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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

mais seulement elle en dispose mal, parce qu’on lui a interdit l’usage de sa raison. C’est par une suite de cette obéissance aveugle à ses chefs, dont on avoit fait un devoir à l’armée françoise, qu’elle a maintenu le gouvernement de Bonaparte : combien ne l’a-t-on pas blâmée cependant de ne l’avoir pas renversé ! Les corps civils, pour se justifier de leur servilité envers l’empereur, s’en prenoient à l’armée ; et il est facile de faire dire dans la même phrase aux partisans du pouvoir absolu, qui d’ordinaire ne sont pas forts en logique, d’abord que les militaires ne doivent jamais avoir d’opinion sur rien en politique, et puis, qu’ils ont été bien coupables de se prêter aux guerres injustes de Bonaparte. Certes, ceux qui versent leur sang pour l’état ont bien un peu le droit de savoir si c’est de l’état dont il s’agit quand ils se battent. Il ne s’ensuit pas que l’armée puisse être le gouvernement : Dieu nous en préserve ! Mais, si l’armée doit se tenir à part des affaires publiques dans tout ce qui concerne leur direction habituelle, la liberté du pays n’en est pas moins sous sa sauvegarde ; et quand le despotisme s’en empare, il faut qu’elle se refuse à le soutenir. Quoi ! dira-t-on, vous voulez que l’armée délibère ? Si vous appelez délibérer, connoître son