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CONSIDÉRATIONS

rité, ne cesseront de l’accuser auprès de l’espèce humaine, c’est l’établissement et l’organisation du despotisme. Il l’a fondé sur l’immoralité ; car les lumières qui existoient en France étoient telles, que le pouvoir absolu ne pouvoit s’y maintenir que par la dépravation, tandis qu’ailleurs il subsiste par l’ignorance.

Peut-on parler de législation dans un pays où la volonté d’un seul homme décidoit de tout ; où cet homme, mobile et agité comme les flots de la mer pendant la tempête, ne pouvoit pas même supporter la barrière de sa propre volonté, si on lui opposoit celle de la veille, quand il avoit envie d’en changer le lendemain ? Une fois un de ses conseillers d’état s’avisa de lui représenter que le Code Napoléon s’opposoit à la résolution qu’il alloit prendre. Eh bien ! dit-il, le Code Napoléon a été fait pour le salut du peuple ; et, si ce salut exige d’autres mesures, il faut les prendre. Quel prétexte pour une puissance illimitée que celui du salut public ! Robespierre a bien fait d’appeler ainsi son gouvernement. Peu de temps après la mort du duc d’Enghien, lorsque Bonaparte étoit peut-être encore troublé dans le fond de son âme par l’horreur que cet assassinat avoit inspirée, il dit, en parlant de littérature avec un artiste