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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

me défiois, vint me dire que l’on avoit affiché, au coin de ma rue, le signalement et la dénonciation de M. de Narbonne : c’étoit l’une des personnes cachées chez moi. Je crus que cet homme vouloit pénétrer mon secret en m’effrayant, mais il me racontoit le fait tout simplement. Peu de temps après, la redoutable visite domiciliaire se fit dans ma maison. M. de Narbonne, étant mis hors la loi, périssoit le même jour, s’il étoit découvert ; et quelques précautions que j’eusse prises, je savois bien que si la recherche étoit exactement faite, il ne pouvoit y échapper. Il falloit donc, à tout prix, empêcher cette recherche ; je rassemblai mes forces, et j’ai senti, dans cette circonstance, qu’on peut toujours dominer son émotion, quelque violente qu’elle soit, quand on sait qu’elle expose la vie d’un autre.

On avoit envoyé, pour s’emparer des proscrits, dans toutes les maisons de Paris, des commissaires de la classe la plus subalterne ; et, pendant qu’ils faisoient leurs visites, des postes militaires gardoient les deux extrémités de la rue pour empêcher que personne ne s’échappât. Je commençai par effrayer, autant que je pus, ces hommes, sur la violation du droit des gens qu’ils commettoient