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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

Un Hanovrien généreux et spirituel, le docteur Bollmann, qui, depuis, s’est exposé pour délivrer M. de la Fayette des prisons d’Autriche, apprit mon anxiété, et m’offrit, sans autre motif que l’enthousiasme de la bonté, de conduire M. de Narbonne en Angleterre, en lui donnant le passe-port d’un de ses amis. Rien n’étoit plus hardi que cette action ; car, si un étranger, quel qu’il fût, avoit été pris emmenant un proscrit sous un nom supposé, il eût été condamné à mort. Le courage du docteur Bollmann ne se démentit ni dans la volonté ni dans l’exécution, et quatre jours après son départ, M. de Narbonne étoit à Londres.

On m’avoit accordé des passe-ports pour me rendre en Suisse ; mais il étoit si triste de se mettre en sûreté toute seule, quand on laissoit encore tant d’amis en danger, que je retardois de jour en jour pour savoir ce que chacun d’eux étoit devenu. On vint me dire, le 31 août, que M. de Jaucourt, député à l’assemblée législative, et M. de Laily-Tollendal, venoient d’être conduits tous les deux à l’Abbaye, et l’on savoit déjà qu’on n’envoyoit dans cette prison que ceux qu’on vouloit livrer aux assassins. Le beau talent de M. de Lally lui servit d’égide d’une façon singulière. Il fit le