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CONSIDÉRATIONS

mettre M. de Jaucourt en liberté. Heureuse d’avoir sauvé la vie d’un homme aussi estimable, je résolus de partir le lendemain, mais je m’engageai à prendre, hors de la barrière, l’abbé de Montesquiou aussi proscrit, et à le conduire, déguisé en domestique, jusqu’en Suisse ; pour que le changement fût plus facile et plus sûr, je donnai à l’un de ses gens le passe-port d’un des miens, et nous convînmes de la place où je trouverois l’abbé de Montesquiou sur le grand chemin. Il étoit donc impossible de manquer à ce rendez-vous, dont l’heure et le lieu étoient fixés, sans exposer celui qui m’attendoit à faire naître les soupçons des patrouilles qui parcouroient les grandes routes.

La nouvelle de la prise de Longwy et de Verdun étoit arrivée le matin du 2 septembre. On entendoit de nouveau, de toutes parts, cet effrayant tocsin, dont le souvenir n’étoit que trop gravé dans mon âme par la nuit du 10 août. On voulut m’empêcher de partir ; mais pouvois-je compromettre la sûreté d’un homme qui s’étoit alors confié à moi ?

J’avois des passe-ports très en règle, et je me figurai que le mieux seroit de sortir en berline à six chevaux, avec mes gens en grande