Page:De Staël – La Révolution française, Tome II.djvu/9

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2
CONSIDÉRATIONS

les hommes en état de porter les armes, mais les vieillards, les femmes, les enfans même. L’émigration de 1791, au contraire, n’étant provoquée par aucun genre de danger, doit être considérée comme une résolution de parti ; et, sous ce rapport, on peut la juger d’après les principes de la politique.

Au moment où le roi fut arrêté à Varennes, et ramené captif à Paris, un grand nombre de nobles se déterminèrent à quitter leur pays, pour réclamer le secours des puissances étrangères, et pour les engager à réprimer la révolution par les armes. Les premiers émigrés obligèrent les gentilshommes restés en France à les suivre ; ils leur commandèrent ce sacrifice au nom d’un genre d’honneur qui tient à l’esprit de corps, et l’on vit la caste des privilégiés françois couvrir les grandes routes pour se rendre aux camps des étrangers, sur la rive ennemie. La postérité prononcera, je crois, que la noblesse, en cette occasion, s’écarta des vrais principes qui servent de base à l’union sociale. En supposant que les gentilshommes n’eussent pas mieux fait de s’associer dès l’origine aux institutions que nécessitoient les progrès des lumières et l’accroissement du tiers état, du moins dix mille nobles de plus