restriction à cette époque ; mais, voir Paris occupé par eux, les Tuileries, le Louvre, gardés par des troupes venues des confins de l’Asie, à qui notre langue, notre histoire, nos grands hommes, tout étoit moins connu que le dernier kan de Tartarie ; c’étoit une douleur insupportable. Si telle étoit mon impression à moi, qui n’aurois pu revenir en France sous le règne de Bonaparte, quelle devoit être celle de ces guerriers couverts de blessures, d’autant plus fiers de leur gloire militaire qu’ils ne pouvoient depuis long-temps en réclamer une autre pour la France. ?
Quelques jours après mon arrivée, je voulus aller à l’Opéra ; plusieurs fois, dans mon exil, je m’étois retracé cette fête journalière de Paris, comme plus gracieuse et plus brillante encore que toutes les pompes extraordinaires des autres pays. On donnoit le ballet de Psyché, qui, depuis vingt ans, a sans cesse été représenté dans bien des circonstances différentes. L’escalier de l’Opéra étoit garni de sentinelles russes ; en entrant dans la salle, je regardai de tous les côtés pour découvrir un visage qui me fût connu, et je n’aperçus que des uniformes étrangers ; à peine quelques vieux bourgeois de Paris se montroient-ils encore au parterre, pour ne