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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/15

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CORINNE OU L’ITALIE

il fut bien loin d’en éprouver d’abord cet heureux effet. Il faut, après un grand malheur, se familiariser de nouveau avec tout ce qui vous entoure, s’accoutumer aux visages que l’on revoit, à la maison où l’on demeure, aux habitudes journalières qu’on doit reprendre ; chacun de ces efforts est une secousse pénible, et rien ne les multiplie comme un voyage.

Le seul plaisir de lord Nelvil était de parcourir les montagnes du Tyrol sur un cheval écossais qu’il avait emmené avec lui, et qui, comme les chevaux de ce pays, galopait en gravissant les hauteurs ; il s’écartait de la grande route pour passer par les sentiers les plus escarpés. Les paysans étonnés s’écriaient d’abord avec effroi en le voyant ainsi sur le bord des abîmes, puis ils battaient des mains en admirant son adresse, son agilité, son courage. Oswald aimait assez l’émotion du danger : elle soulève le poids de la douleur, elle réconcilie un moment avec cette vie qu’on a reconquise, et qu’il est si facile de perdre.