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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/159

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CORINNE OU L’ITALIE.

— Je vous ai fait parcourir bien rapidement, dit Corinne à lord Nelvil, quelques traces de l’histoire antique ; mais vous comprendrez le plaisir qu’on peut trouver dans ces recherches, à la fois savantes et poétiques, qui parlent à l’imagination comme à la pensée. Il y a dans Rome beaucoup d’hommes distingués dont la seule occupation est de découvrir un nouveau rapport entre l’histoire et les ruines. — Je ne sais point d’étude qui captivât davantage mon intérêt, reprit lord Nelvil, si je me sentais assez de calme pour m’y livrer : ce genre d’érudition est bien plus animé que celle qui s’acquiert par les livres : on dirait que l’on fait revivre ce qu’on découvre, et que le passé reparaît sous la poussière qui l’a enseveli. — Sans doute, dit Corinne, et ce n’est pas un vain préjugé que cette passion pour les temps antiques. Nous vivons dans un siècle où l’intérêt personnel semble le seul principe de toutes les actions des hommes ; et quelle sympathie, quelle émotion, quel enthousiasme pourrait jamais résulter de l’intérêt personnel ! Il est plus doux de rêver à ces jours de dévouement, de sacrifice et d’héroïsme qui pourtant ont existé, et dont la terre porte encore les honorables traces. —