Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
CORINNE OU L’ITALIE

Les souvenirs les plus douloureux de lord Nelvil étaient attachés à la France, néanmoins il était exempt des préjugés qui séparent les deux nations, parce qu’il avait eu pour ami intime un Français, et qu’il avait trouvé dans cet ami la plus admirable réunion de toutes les qualités de l’ame. Il offrit donc au négociant qui lui raconta l’histoire du comte d’Erfeuil de conduire en Italie ce noble et malheureux jeune homme. Le négociant vint annoncer à lord Nelvil, au bout d’une heure, que sa proposition était acceptée avec reconnaissance. Oswald était heureux de rendre ce service, mais il lui en coûtait beaucoup de renoncer à la solitude, et sa timidité souffrait de se trouver tout à coup dans une relation habituelle avec un homme qu’il ne connaissait pas.

Le comte d’Erfeuil vint faire visite à lord Nelvil, pour le remercier. Il avait des manières élégantes, une politesse facile et de bon goût, et dès l’abord il se montrait parfaitement à son aise. On s’étonnait, en le voyant, de tout ce qu’il avait souffert, car il supportait son sort avec un courage qui allait jusqu’à l’oubli, et il avait dans sa conversation une légèreté vraiment admirable quand il parlait de ses propres revers,