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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/242

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CORINNE OU L’ITALIE

mure des eaux et la variété des couleurs ; qu’exigez-vous de plus de la poésie ? pourquoi demander au rossignol ce que signifie son chant ? il ne peut l’expliquer qu’en recommençant à chanter ; on ne peut le comprendre qu’en se laissant aller à l’impression qu’il produit. La mesure des vers, les rimes harmonieuses, ces terminaisons rapides, composées de deux syllabes brèves, dont les sons glissent en effet, comme l’indique leur nom (Sdruccioli), imitent quelquefois les pas légers de la danse ; quelquefois des tons plus graves rappellent le bruit de l’orage ou l’éclat des armes ; enfin notre poésie est une merveille de l’imagination, il ne faut y chercher que ses plaisirs sous toutes les formes. — Sans doute, reprit lord Nelvil, vous expliquez, aussi bien qu’il est possible, et les beautés et les défauts de votre poésie ; mais quand ces défauts, sans les beautés, se trouvent dans la prose, comment les défendrez-vous ? Ce qui n’est que du vague dans la poésie devient du vide dans la prose ; et cette foule d’idées communes, que vos poëtes savent embellir par leur mélodie et leurs images, reparaît à froid dans la prose avec une vivacité fatigante. La plupart de vos écrivains en prose, aujourd’hui, ont un langage si déclamatoire, si diffus, si abondant en