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CORINNE OU L’ITALIE

second acte ; si ce sont les deux premiers actes de deux pièces différentes, ils jouent ces deux actes le même jour, et mettent entre deux un acte d’une comédie en prose, qui contient ordinairement la meilleure morale du monde, mais une morale toute composée de sentences, que nos ancêtres mêmes ont déjà renvoyées à l’étranger comme trop vieilles pour eux. Vos musiciens fameux disposent en entier de vos poëtes ; l’un lui déclare qu’il ne peut pas chanter s’il n’a dans son ariette la parole felicità ; le ténor demande la tomba ; et le troisième chanteur ne peut faire des roulades que sur le mot catene. Il faut que le pauvre poëte arrange ces goûts divers comme il le peut avec la situation dramatique. Ce n’est pas tout encore ; il y a des virtuoses qui ne veulent pas arriver de plain-pied sur le théâtre ; il faut qu’ils se montrent d’abord dans un nuage, ou qu’ils descendent du haut de l’escalier d’un palais pour produire plus d’effet a leur entrée. Quand l’ariette est chantée, dans quelque situation touchante ou violente que ce soit, l’acteur doit saluer pour remercier des applaudissemens qu’il obtient. L’autre jour, à Sémiramis, après que le spectre de Ninus eut chanté son ariette, l’acteur qui le représentait fit, en son costume d’ombre,