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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/253

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CORINNE OU L’ITALIE

c’est à dire que leur physionomie est celle de tel genre de personnes et non pas de tel individu. Sans doute les auteurs modernes des arlequinades, trouvant tous les rôles donnés d’avance comme les pièces d’un jeu d’échecs, n’ont pas le mérite de les avoir inventés ; mais cette première invention est due à l’Italie ; et ces personnages fantasques, qui d’un bout de l’Europe à l’autre amusent tous les enfans et les hommes que l’imagination rend enfans, doivent être considérés comme une création des Italiens qui leur donne des droits à l’art de la comédie.

L’observation du cœur humain est une source inépuisable pour la littérature, mais les nations qui sont plus propres à la poésie qu’à la réflexion se livrent plutôt à l’enivrement de la joie qu’à l’ironie philosophique. Il y a quelque chose de triste au fond de la plaisanterie fondée sur la connaissance des hommes, la gaieté vraiment inoffensive est celle qui appartient seulement à l’imagination. Ce n’est pas que les Italiens n’étudient habilement les hommes avec lesquels ils ont à faire, et ne découvrent plus finement que personne les pensées les plus secrètes ; mais c’est comme esprit de conduite qu’ils ont ce talent, et ils n’ont point l’habitude d’en faire un usage littéraire. Peut-être même