Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
254
CORINNE OU L’ITALIE

drame où elles sont placées ; mais il nous est impossible à nous qui possédons Shakespeare, le poëte qui a le mieux approfondi l’histoire et les passions de l’homme, de supporter ces deux couples d’amoureux qui se partagent presque toutes les pièces de Métastase, et qui s’appellent tantôt Achille, tantôt Tircis, tantôt Brutus, tantôt Corilas, et chantent tous de la même manière des chagrins et des martyres d’amour qui remuent à peine l’ame à la superficie, et peignent comme une fadeur le sentiment le plus orageux qui puisse agiter le cœur humain. C’est avec un respect profond pour le caractère d’Alfieri, que je me permettrai quelques réflexions sur ses pièces. Leur but est si noble, les sentimens que l’auteur exprime sont si bien d’accord avec sa conduite personnelle, que ses tragédies doivent toujours être louées comme des actions, quand même elles seraient critiquées à quelques égards comme des ouvrages littéraires. Mais il me semble que quelques-unes de ses tragédies ont autant de monotonie dans la force, que Métastase en a dans la douceur. Il y a dans les pièces d’Alfieri une telle profusion d’énergie et de magnanimité, ou bien une telle exagération de violence et de crime, qu’il est impossible d’y reconnaître le véritable caractère des hommes. Ils