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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/27

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CORINNE OU L’ITALIE

Lord Nelvil avait fixé son départ pour Rome au lendemain, lorsqu’il entendit pendant la nuit des cris affreux dans la ville : il se hâta de sortir de son auberge pour en savoir la cause, et vit un incendie qui partait du port et remontait de maison en maison jusqu’au haut de la ville ; les flammes se répétaient au loin dans la mer, le vent, qui augmentait leur vivacité, agitait aussi leur image dans les flots, et les vagues soulevées réfléchissaient de mille manières les traits sanglans d’un feu sombre.

Les habitans d’Ancone n’ayant point chez eux de pompes en bon état se hâtaient de porter avec leurs bras quelques secours[1]. On entendait, à travers les cris, le bruit des chaînes des galériens employés à sauver la ville qui leur servait de prison. Les diverses nations du Levant, que le commerce attire à Ancone, exprimaient leur effroi par la stupeur de leurs regards. Les marchands, à l’aspect de leurs magasins en flamme, perdaient entièrement la présence d’esprit. Les alarmes pour la fortune troublent autant le commun des hommes que la crainte de la mort, et n’inspirent pas cet élan de l’ame, cet enthousiasme qui fait trouver des ressources.

Les cris des matelots ont toujours quelque

  1. Ancone est à peu près à cet égard dans le même dénuement qu’alors.