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CORINNE OU L’ITALIE

chose de lugubre et de prolongé que la terreur rendait encore bien plus sombre. Les mariniers sur les bords de la mer Adriatique sont revêtus d’une capotte rouge et brune très-singulière, et du milieu de ce vêtement sortait le visage animé des Italiens qui peignait la crainte sous mille formes. Les habitans couchés par terre dans les rues couvraient leur tête de leur manteau comme s’il ne leur restait plus rien à faire qu’à ne pas voir leur désastre, d’autres se jetaient dans les flammes sans la moindre espérance d’y échapper : on voyait tour à tour une fureur et une résignation aveugle, mais nulle part le sang-froid qui double les moyens et les forces.

Oswald se souvint qu’il y avait deux bâtimens anglais dans le port, et ces bâtimens ont à bord des pompes parfaitement bien faites : il courut chez le capitaine et monta avec lui sur un bateau pour aller chercher ces pompes. Les habitans qui le virent entrer dans la chaloupe lui criaient : Ah ! vous faites bien, vous autres étrangers, de quitter notre malheureuse ville. — Nous allons revenir, dit Oswald. — Ils ne le crurent pas. Il revint pourtant, établit l’une de ses pompes en face de la première maison qui brûlait sur le port, et l’autre vis-à-vis de celle