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CORINNE OU L’ITALIE

donner à ses projets plus de stabilité. Il la voyait comme un phénomène admirable qui lui apparaissait de nouveau chaque jour ; mais le ravissement et l’étonnement même qu’elle lui faisait éprouver semblait éloigner l’espoir d’une vie tranquille et paisible. Corinne cependant était la femme la plus douce et la plus facile à vivre ; on l’eût aimée pour ses qualités communes, indépendamment de ses qualités brillantes : mais encore une fois, elle réunissait trop de talens, elle était trop remarquable en tout genre. Lord Nelvil, de quelqu’avantage qu’il fût doué, ne croyait pas l’égaler, et cette idée lui inspirait des craintes sur la durée de leur affection mutuelle. En vain Corinne, à force d’amour, se faisait son esclave, le maître souvent inquiet de cette reine dans les fers ne jouissait point en paix de son empire.

Quelques heures avant la représentation, lord Nelvil conduisit Corinne dans le palais de la princesse Castel-Forte, où le théâtre était préparé. Il faisait un soleil admirable, et d’une des fenêtres de cet escalier on découvrait Rome et la campagne. Oswald arrêta Corinne un moment et lui dit : — Voyez ce beau temps, c’est pour vous, c’est pour éclairer vos succès. — Ah ! si cela était, reprit-elle, c’est vous qui