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CORINNE OU L’ITALIE

wald, aux pieds de l’objet dont le suffrage valait à lui seul plus que la gloire. Ah ! du moins un moment, Corinne a senti le bonheur. Un moment elle connut, au prix de son repos, ces délices de l’ame, que jusqu’alors elle avait souhaitées vainement, et qu’elle devait regretter toujours.

Juliette au troisième acte devient secrètement l’épouse de Roméo. Dans le quatrième, ses parens voulant la forcer à en épouser un autre, elle se décide à prendre le breuvage assoupissant qu’elle tient de la main d’un moine, et qui doit lui donner l’apparence de la mort. Tous les mouvemens de Corinne, sa démarche agitée, ses accens altérés, ses regards tantôt vifs, tantôt abattus, peignaient le cruel combat de la crainte et de l’amour ; les images terribles qui la poursuivaient, à l’idée de se voir transportée vivante dans les tombeaux de ses ancêtres, et cependant l’enthousiasme de passion qui faisait triompher une ame si jeune d’un effroi si naturel. Oswald sentait comme un besoin irrésistible de voler à son secours. Une fois elle leva les jeux vers le ciel avec une ardeur qui exprimait profondément ce besoin de la protection divine, dont jamais un être humain n’a pu s’affranchir. Une autre fois lord Nelvil crut voir qu’elle étendait les bras vers lui comme pour l’appeler à son