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CORINNE OU L’ITALIE

comme c’était une personne plus passionnée que prévoyante, dominée par le présent, mais s’occupant peu de l’avenir, ce jour qui devait lui coûter tant de peines s’était levé pour elle comme le jour le plus pur et le plus serein de sa vie.

En recevant le billet d’Oswald, un trouble cruel s’empara de son ame : elle le crut dans un grand danger, et partit à l’instant à pied, traversant le corso à l’heure ou toute la ville s’y promène, et entrant dans la maison d’Oswald à la vue de presque toute la société de Rome. Elle ne s’était pas donné le temps de réfléchir, et sa course avait été si rapide, qu’en arrivant dans la chambre d’Oswald elle ne pouvait plus respirer ni prononcer un seul mot. Lord Nelvil comprit tout ce qu’elle venait de hasarder pour le voir, et s’exagérant les conséquences de cette action qui, en Angleterre, aurait entièrement perdu de réputation une femme et à plus forte raison une femme non mariée, il se sentit saisi par la générosité, l’amour et la reconnaissance, et se levant, tout faible qu’il était, il serra Corinne contre son cœur, et s’écria : — Chère amie ! non je ne t’abandonnerai pas, quand ton sentiment pour moi te compromet ! quand je dois réparer…… Corinne comprit sa pensée, et l’interrompant aussitôt en se dégageant doucement de ses bras,