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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/293

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CORINNE OU L’ITALIE

elle lui dit, après s’être informée de son état qui s’était amélioré : — Vous vous trompez, mylord, je ne fais rien en venant vous voir, que la plupart des femmes de Rome n’eussent fait à ma place. Je vous ai su malade, vous êtes étranger ici, vous n’y connaissez que moi, c’est à moi de vous soigner. Les convenances établies sont très-respectables, quand il ne faut leur sacrifier que soi, mais ne doivent-elles pas céder aux sentimens vrais et profonds que fait naître le danger ou la douleur d’un ami ? Quel serait donc le sort d’une femme, si ces mêmes convenances sociales, en permettant d’aimer, défendaient seulement le mouvement irrésistible qui fait voler au secours de ce qu’on aime ? Mais, je vous le répète, mylord, ne craignez point qu’en venant ici je me sois compromise. J’ai, par mon âge et mes talens, à Rome la liberté d’une femme mariée. Je ne cache point à mes amis que je suis venue chez vous ; je ne sais s’ils me blâment de vous aimer, mais sûrement ils ne me blâmeront pas d’être dévouée à vous, quand je vous aime. —

En entendant ces paroles, si naturelles et si sincères, Oswald éprouva un mélange confus d’impressions diverses ; il était touché par la délicatesse de la réponse de Corinne, mais il était presque fâché que ce qu’il avait pensé d’abord