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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/30

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CORINNE OU L’ITALIE

prend sa place ; dès que les hommes ont peur, ils cessent d’être jaloux.

Oswald, à travers la rumeur générale, distingua cependant des cris plus horribles que tous les autres qui se faisaient entendre à l’autre extrémité de la ville. Il demanda d’où venaient ces cris ; on lui dit qu’ils partaient du quartier des Juifs : l’officier de police avait coutume de fermer les barrières de ce quartier le soir, et l’incendie gagnant de ce côté, les Juifs ne pouvaient s’échapper. Oswald frémit à cette idée, et demanda qu’à l’instant le quartier fût ouvert ; mais quelques femmes du peuple qui l’entendirent se jetèrent à ses pieds pour le conjurer de n’en rien faire : Vous voyez bien, disaient-elles, oh ! notre bon ange ! que c’est sûrement à cause des Juifs qui sont ici que nous avons souffert cet incendie, ce sont eux qui nous portent malheur, et si vous les mettez en liberté, toute l’eau de la mer n’éteindra pas les flammes ; et elles suppliaient Oswald de laisser brûler les Juifs, avec autant d’éloquence et de douceur que si elles avaient demandé un acte de clémence. Ce n’étaient point de méchantes femmes, mais des imaginations superstitieuses vivement frappées par un grand malheur. Oswald contenait à peine son indignation en entendant ces étranges prières.