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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/31

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CORINNE OU L’ITALIE

Il envoya quatre matelots anglais avec des haches pour briser les barrières qui retenaient ces malheureux ; et ils se répandirent à l’instant dans la ville, courant à leurs marchandises, au milieu des flammes, avec cette avidité de fortune qui a quelque chose de bien sombre quand elle fait braver la mort. On dirait que l’homme, dans l’état actuel de la société, n’a presque rien à faire du simple don de la vie.

Il ne restait plus qu’une maison au haut de la ville, que les flammes entouraient tellement qu’il était impossible de les éteindre, et plus impossible encore d’y pénétrer. Les habitans d’Ancone avaient montré si peu d’intérêt pour cette maison, que les matelots anglais, ne la croyant point habitée, avaient ramené leurs pompes vers le port. Oswald lui-même, étourdi par les cris de ceux qui l’entouraient et l’appelaient à leur secours, n’y avait pas fait attention. L’incendie s’était communiqué plus tard de ce côté, mais y avait fait de grands progrès. Lord Nelvil demanda si vivement quelle était cette maison, qu’un homme enfin lui répondit que c’était l’hôpital des fous. À cette idée, toute son ame fut bouleversée ; il se retourna, et ne vit plus aucun de ses matelots autour de lui : le comte d’Er-