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CORINNE OU L’ITALIE

forces. L’encouragement, l’émulation étaient le principe des beaux-arts comme de la politique ; il y avait place pour toutes les vertus, comme pour tous les talens. Le vulgaire se glorifiait de savoir admirer, et le culte du génie était desservi par ceux même qui ne pouvaient point aspirer à ses couronnes.

La religion grecque n’était point, comme le christianisme, la consolation du malheur, la richesse de la misère, l’avenir des mourans ; elle voulait la gloire, le triomphe ; elle faisait pour ainsi dire l’apothéose de l’homme. Dans ce culte périssable, la beauté même était un dogme religieux. Si les artistes étaient appelés à peindre des passions basses ou féroces, ils en sauvaient la honte à la figure humaine, en y joignant, comme dans les faunes et les centaures, quelques traits des animaux ; et, pour donner à la beauté son plus sublime caractère, ils unissaient tour à tour dans les statues des hommes et des femmes, dans la Minerve guerrière et dans l’Apollon Musagète, les charmes des deux sexes, la force à la douceur, la douceur à la force ; mélange heureux de deux qualités opposées, sans lequel aucune des deux ne serait parfaite.

Corinne, en continuant ses observations, retint Oswald quelque temps devant des statues