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CORINNE OU L’ITALIE

séparées du tronc, un pied de Jupiter, qui suppose une statue plus grande et plus parfaite que toutes celles que nous connaissons. On croit voir le champ de bataille où le temps a lutté contre le génie ; et ces membres mutilés attestent sa victoire et nos pertes.

Après être sorti du Vatican, Corinne conduisit Oswald devant les colosses de Monte-Cavallo ; ces deux statues représentent, dit-on, Castor et Pollux. Chacun des deux héros dompte d’une seule main un cheval fougueux qui se cabre. Ces formes colossales, cette lutte de l’homme avec les animaux, donne, comme tous les ouvrages des anciens, une admirable idée de la puissance physique de la nature humaine. Mais cette puissance a quelque chose de noble qui ne se retrouve plus dans notre ordre social, où la plupart des exercices du corps sont abandonnés aux gens du peuple. Ce n’est point la force animale de la nature humaine, si l’on peut s’exprimer ainsi, qui se fait remarquer dans ces chefs-d’oeuvre. Il semble qu’il y avait une union plus intime entre les qualités physiques et morales chez les anciens qui vivaient sans cesse au milieu de la guerre, et d’une guerre presque d’homme à homme. La force du corps et la générosité de l’ame, la dignité des traits et