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CORINNE OU L’ITALIE

feuil n’y était pas non plus ; et c’était en vain qu’il se serait adressé aux habitans d’Ancone : ils étaient presque tous occupés à sauver ou à faire sauver leurs marchandises, et trouvaient absurde de s’exposer pour des hommes dont il n’y en avait pas un qui ne fût fou sans remède : C’est une bénédiction du ciel, disaient-ils, pour eux et pour leurs parens s’ils meurent ainsi sans que ce soit la faute de personne.

Pendant que l’on tenait de semblables discours autour d’Oswald, il marchait à grands pas vers l’hôpital, et la foule qui le blâmait le suivait avec un sentiment d’enthousiasme involontaire et confus. Oswald arrivé près de la maison vit, à la seule fenêtre qui n’était pas entourée par les flammes, des insensés qui regardaient les progrès de l’incendie, et souriaient de ce rire déchirant qui suppose ou l’ignorance de tous les maux de la vie, ou tant de douleur au fond de l’ame, qu’aucune forme de la mort ne peut plus épouvanter. Un frissonnement inexprimable s’empara d’Oswald à ce spectacle ; il avait senti, dans le moment le plus affreux de son désespoir, que sa raison était prête à se troubler ; et, depuis cette époque, l’aspect de la folie lui inspirait toujours la pitié la plus douloureuse. Il saisit une échelle qui se