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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/321

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CORINNE OU L’ITALIE

comme l’a fait Michel-Ange, la figure de la divinité même revêtue de traits mortels. Il croyait que la pensée n’osait lui donner des formes, et qu’on trouvait à peine au fond de son ame une idée assez intellectuelle, assez éthérée pour l’élever jusqu’à l’Être suprême ; et quant aux sujets tirés de l’écriture sainte, il lui semblait que l’expression et les images dans ce genre de tableaux laissaient beaucoup à désirer. Il croyait, avec Corinne, que la méditation religieuse est le sentiment le plus intime que l’homme puisse éprouver ; et, sous ce rapport, il est celui qui fournit aux peintres les plus grands mystères de la physionomie et du regard ; mais la religion réprimant tous les mouvemens du cœur qui ne naissent pas immédiatement d’elle, les figures des saints et des martyrs ne peuvent être très-variées. Le sentiment de l’humilité, si noble devant le ciel, affaiblit l’énergie des passions terrestres et donne nécessairement de la monotonie à la plupart des sujets religieux. Quand Michel-Ange, avec son terrible talent, a voulu peindre ces sujets, il en a presqu’altéré l’esprit, en donnant à ses prophètes une expression redoutable et puissante qui en fait des Jupiter plutôt que des saints. Souvent aussi il se sert, comme Le Dante, des images du paganisme, et mêle la mytho-