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CORINNE OU L’ITALIE

plaisent et n’intéressent que lorsque notre ame est tranquille et notre imagination tout-à-fait libre. Il ne faut pas non plus, pour les goûter, la gaieté qu’inspire la société, mais la sérénité que fait naître un beau jour, un beau climat. Il faut sentir, dans ces arts qui représentent les objets extérieurs, l’harmonie universelle de la nature ; et quand notre ame est troublée, nous n’avons plus en nous-mêmes cette harmonie, le malheur l’a détruite. — Je ne sais, répondit Oswald, si je ne cherche dans les beaux-arts que ce qui peut rappeler les souffrances de l’ame ; mais je sais bien au moins que je ne puis supporter d’y trouver la représentation des douleurs physiques. Ma plus forte objection, continua-t-il, contre les sujets chrétiens en peinture, c’est le sentiment pénible que fait éprouver l’image du sang, des blessures, des supplices, bien que le plus noble enthousiasme ait animé les victimes. Philoctète est peut-être le seul sujet tragique dans lequel les maux physiques puissent être admis. Mais de combien de circonstances poétiques ces maux cruels ne sont-ils pas entourés ! Ce sont les flèches d’Hercule qui les ont causés. Le fils d’Esculape doit les guérir. Enfin, cette blessure se confond presque, avec le ressentiment moral qu’elle fait