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CORINNE OU L’ITALIE

naître dans celui qui en est atteint ; et ne peut exciter aucune impression de dégoût. Mais la figure du possédé, dans le superbe tableau de la Transfiguration par Raphaël, est une image désagréable et qui n’a nullement la dignité des beaux-arts. Il faut qu’ils nous découvrent le charme de la douleur, comme la mélancolie de la prospérité ; c’est l’idéal de la destinée humaine qu’ils doivent représenter dans chaque circonstance particulière. Rien ne tourmente davantage l’imagination, que des plaies sanglantes ou des convulsions nerveuses. Il est impossible que dans de semblables tableaux l’on ne cherche et l’on ne craigne pas en même temps de trouver l’exactitude de l’imitation. L’art qui ne consisterait que dans cette imitation, quel plaisir nous donnerait-il ? Il est plus horrible ou moins beau que la nature même, dès l’instant qu’il aspire seulement à lui ressembler.

— Vous avez raison, Mylord, dit Corinne, de désirer qu’on écarte des sujets chrétiens les images pénibles ; elles n’y sont pas nécessaires. Mais avouez cependant que le génie, et le génie de l’ame sait triompher de tout. Voyez cette communion de Saint Jérôme par Le Dominiquin. Le corps du vénérable mourant est livide et décharné : c’est la mort qui se soulève. Mais