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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/343

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CORINNE OU L’ITALIE

timent contre ce qui s’était passé dans le jardin. Mais, à l’aspect de ce tableau, le tombeau de son père et les montagnes d’Écosse se retracèrent à sa pensée, et ses yeux se remplirent de larmes. Corinne prit sa harpe, et devant ce tableau elle se mit à chanter les romances écossaises dont les simples notes semblent accompagner le bruit du vent qui gémit dans les vallées. Elle chanta les adieux d’un guerrier en quittant sa patrie et sa maîtresse, et ce mot jamais (no more), un des plus harmonieux et des plus sensibles de la langue anglaise, Corinne le prononçait avec l’expression la plus touchante. Oswald ne résista point à l’émotion qui l’oppressait, et l’un et l’autre s’abandonnèrent sans contrainte à leurs larmes. — Ah ! s’écria lord Nelvil, cette patrie qui est la mienne ne dit-elle rien à ton cœur ? Me suivrais-tu dans ces retraites peuplées par mes souvenirs ? Serais-tu la digne compagne de ma vie, comme tu en es le charme et l’enchantement ? — Je le crois, répondit Corinne, je le crois puisque je vous aime. — Au nom de l’amour et de la pitié, ne me cachez plus rien, dit Oswald. — Vous le voulez, interrompit Corinne, j’y souscris. Ma promesse est donnée ; je n’y mets qu’une condition, c’est que vous ne me demanderez pas de l’accomplir avant l’époque prochaine de nos so-