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CORINNE OU L’ITALIE

foule qui le considérait ; les femmes surtout s’exprimaient avec cette imagination qui est un don presque universel en Italie, et prête souvent de la noblesse aux discours des gens du peuple. Elles se jetaient à genoux devant lui, et s’écriaient : Vous êtes sûrement Saint-Michel, le patron de notre ville ; déployez vos ailes, mais ne nous quittez pas : allez là-haut sur le clocher de la cathédrale, pour que de là toute la ville vous voie et vous prie. — Mon enfant est malade, disait l’une, guérissez-le. — Dites-moi, disait l’autre, où, est mon mari, qui est absent depuis plusieurs années ? Oswald cherchait une manière de s’échapper. Le comte d’Erfeuil arriva, et lui dit en lui serrant la main : — Cher Nelvil, il faut pourtant partager quelque chose avec ses amis ; c’est mal fait de prendre ainsi pour soi seul tous les périls. — Tirez-moi d’ici, lui dit Oswald à voix basse. — Un moment d’obscurité favorisa leur fuite, et tous les deux en hâte allèrent prendre des chevaux à la poste.

Lord Nelvil éprouva d’abord quelque douceur par le sentiment de la bonne action qu’il venait de faire ; mais avec qui pouvait-il en jouir, maintenant que son meilleur ami n’existait plus ? Malheur aux orphelins ! les événe-